ACHILLE DUCHÊNE ET LE SPECTACLE DES JARDINS
DESSINS DU MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS

En 1913, le musée des Arts décoratifs consacre une exposition rétrospective à L’art des jardins en France du XVIe au XVIIIe siècle, à l’occasion du troisième centenaire de la naissance d’André Le Nôtre. De nombreuses pièces sont prêtées par l’architecte paysagiste Achille Duchêne, que l’on a parfois qualifié de « réincarnation » du jardinier de Louis XIV. De fait, l’art d’Henri Duchêne (1841-1902) et de son fils Achille (1866-1947) a profondément marqué notre perception des jardins du Grand Siècle. Qui admire les jardins de Le Nôtre à Vaux-le-Vicomte contemple en réalité leur re-création d’abord par Henri, vers 1898, puis par Achille vers 1923, sous forme de variation sur les vues gravées par Israël Silvestre autour de 1660. A Courances ou à Champs-sur-Marne, les jardins classiques sont aussi des jardins modernes, des jardins « à la manière de ». Devenus maîtres dans l’art de faire revivre le jardin à la française, les Duchêne se voient confier, à travers le monde, les jardins de vieux châteaux ou de demeures récentes en néo-styles, du Palais-Rose de Boni de Castellane à Paris à la villa Ephrussi de Rothschild sur la Riviera, du château de Blenheim du duc de Malborough près d’Oxford jusqu’aux abords de San Francisco, en Californie, au château de Carolands.

Comme les architectes René Sergent ou Ernest Sanson dont il accompagne souvent les constructions, Achille Duchêne maîtrise suffisamment le langage artistique de l’Ancien Régime pour l’adapter à l’espace et aux désirs de ses commanditaires. Fuyant le pastiche, il orne ses jardins de nouvelles essences, joue avec la géométrie, combine perspectives architecturées, parcs à l’anglaise et points de vue sur la nature libre. De même, certaines de ses fééries nocturnes témoignent d’un regard admiratif sur les gravures des fêtes de Louis XIV à Versailles, mais enrichissent ces modèles de puissants faisceaux lumineux et de jets d’eau lancés par des ballons dirigeables, créant une esthétique cinématographique.

Après la Première Guerre mondiale, le « jardinier des princes », chéri de l’aristocratie française et anglaise et des nouvelles fortunes mondiales, se passionne pour les évolutions sociales et artistiques et publie, en 1935, un ouvrage consacré aux Jardins de l’avenir, qui fait la part belle aux aménagements collectifs. Il laisse libre cours à son imagination foisonnante en projetant sur le papier des Jardins de rêve, jamais diffusés, où de grandes fêtes de plein air voisinent avec des forêts tropicales, des geysers en Islande et des cascades spectaculaires.

Peu après la mort d’Achille Duchêne, sa veuve Gabrielle offre à l’Union centrale des Arts décoratifs un magnifique ensemble de cent trente-six dessins, dans lesquels les idées du paysagiste sont traduites par des dessinateurs professionnels vraisemblablement dans un but éditorial. Qu’elles brodent sur l’art de Le Nôtre, se teintent d’orientalisme, composent des jardins publics accueillants ou inventent une nature fantastique, ces feuilles, dont vingt-trois sont exposées ici, manifestent un sens aigu de la théâtralité qui donne son unité aux créations de Duchêne.

Bénédicte Gady
Conservatrice du Patrimoine, en charge du département des Arts graphiques du musée des Arts décoratifs

Informations

Site internet: madparis.fr

Adresse : 107 rue de Rivoli, 75001 Paris